Accueil- -Charte du Comité- -Les faux-antifas- -Les enquêtes
La position de l'historien Zeev Sternhell :
Les quelques considérations historiques qui précédent posent le problème central de la définition du fascisme, et donc de l'antifascisme. Prenons un exemple. Si l'on accepte les théories marxisantes du fascisme, nous obtenons une définition réductrice qui fait du fascisme tout régime capitaliste un peu autoritaire. On comprend alors le jeu rhétorique des staliniens pendant la Guerre Froide. Tout régime non inféodé à l'impérialisme soviétique et qui avait le malheur de ne pas rompre avec le capitalisme était présenté comme fasciste.
Depuis la chute du mur de Berlin, nous vivons donc tous, ou à 90%, sous des régimes fascistes. Pourtant, un juif allemand ou italien sous les régimes hitléristes ou mussoliniens, ou tout militant antifasciste de l'époque, aurait accepté sans problème de vivre sous ce prétendu fascisme. Il y a effectivement un lien entre fascisme et capitalisme. Mais cela ne suffit pas. Il est même dérangeant de prétendre, comme le faisait les staliniens ou maoïstes, de taxer les régimes occidentaux de fascistes.
C'est faire honte à ceux qui sont mort en combattant Hitler et Mussolini. Pourtant, même sans accepter une définition purement marxiste du fascisme, il n'est pas facile de définir ce terme. Beaucoup s'y sont cassés les dents. L'historien Zeev Sternhell illustre à la fois une tentative salutaire de définition du fascisme, mais aussi les problèmes d'une telle démarche. Salutaire, parce qu'il a étudié le fascisme français a une époque où les thèses dominantes (René Rémond) affirmaient que la France avait été immunisée contre le fascisme.
Cette thèse révisionniste (au sens d'une interprétation partisane de l'histoire) occultait toute la dimension fasciste des ligues d'extrême droite et les éléments fascistes qui gravitèrent autour de Pétain et qui firent de Vichy, selon Sternhell, un régime plus racialiste que l'Italie mussolinienne. Sternhell repère diverses caractéristiques du fascisme, principalement la conjonction entre des slogans révolutionnaires et démagogiques, une vision close de la Nation, souvent raciale, et enfin un lien réel avec les grandes entreprises capitalistes.
Le problème est que sa définition demeure équivoque. Quid du régime mussolinien avant les lois raciales de 1937 ? Et que dire de l'étude faite par Sternhell du Faisceau de Georges Valois, qualifié de fascisme naïf puisque refusant sincèrement l'aide des grands capitalistes et affichant une réelle volonté révolutionnaire ? Cela revient à distinguer fascisme de gauche et de droite, avec d'un côté des faux anticapitalistes et de l'autre les fascistes sincères et révolutionnaires. C'est inacceptable.
Si les liens entre fascisme et capitalisme ne sont pas l'unique moyen de définit cette idéologie, force est de constater qu'il s'agit là d'un élément important de définition. Il n'existe pas de fascisme révolutionnaire sincère, soyons clair. Il n'y a pas de fascistes de gauche, même naïfs. De même, il n 'existe pas de fascistes qui ne soient pas racialistes. Nous insistons sur ce point. Le fascisme est une conception étroite des peuples qui fonctionne à l'exclusion. C'est le parfait opposé du modèle républicain.
C'est pourquoi nous pensons que le fascisme doit d'abord être défini comme un racialisme et un antisémitisme. La mise en place des camps de la mort est ce qui fonde le caractère odieux du fascisme, auquel Mussolini, même relativement tardivement, s'est rallié avec enthousiasme. Sans cette caractéristique, le fascisme perd de sa spécificité, et se rapproche des régimes autoritaires classiques qui pullulent encore aujourd'hui avec la bénédiction de l'Occident.
L'antifascisme néo-libéral :
Cette dimension, que nous avons repérée, est aujourd'hui occultée. L'antifascisme fonctionne comme l'anti- totalitarisme pendant la Guerre Froide. Il sert la propagande médiatique et militaire, mais trahit ce qui est son corollaire naturel, l'anti-racisme. Prenons encore un exemple, le cas Milosevic. Voici un nationaliste serbe, démagogue, faussement communiste. Tout pour faire un parfait fasciste dans la propagande occidentale. Mais voilà le problème. Pourquoi lui, et pas un autre ? Rappelons que les nationalistes de Croatie étaient directement influencés par les nazis croates de la Seconde Guerre mondiale. De même pour les bosniaques, héritiers ouvertes des divisions nazies de Bosnie.
Pourquoi alors focaliser le combat antifasciste contre le seul régime yougoslave alors que l'extrême droite européenne dans sa totalité est allée combattre aux côtés des croates ? Pourquoi occulter l'héritage nazi et antisémite des bosniaques, directement lié à un islamisme virulent ? C'est là que nous voulons en venir : la propagande occidentale s'est réappropriée l'antifascisme à des fins partisanes, contre Milosevic, ce qui a contribué à masquer l'émergence de deux fascismes larvés en Croatie et en Bosnie. Milosevic aurait pu être combattu pour ce qu'il était, un dictateur archaïque, mais il a fallu que les néo-libéraux instrumentalisent l'antifascisme.
Or, cet antifascisme n'est qu'un leurre. Il ne sert qu'à dissimuler les objectifs des occidentaux dans les Balkans, objectifs qui sont purement militaires et économiques. La défense des bosniaques, puis plus récemment des kosovars, n'était qu'idéologique. C'était une distorsion des véritables buts de guerre. Un vulgaire prétexte, comme l'était la lutte contre Milosevic présenté comme un fasciste. Les millions de mort des camps nazis ont été utilisés par les staliniens, et ils le sont maintenant par les néo-libéraux. A croire qu'ils ne sont morts que pour permettre n'importe quelle idéologie de se réapproprier leur mémoire pour diaboliser l'ennemi. Qui peut humainement cautionner cela ?
Réfléchir sur le caractère éventuellement fasciste du régime yougoslave n'est alors plus possible, tant les amalgames et distorsions idéologiques sont nombreux. Le fait même de réfléchir sur ce sujet, de mettre en doute la légitimité démocratique des croates, des bosniaques ou de l'UCK, dont les crimes ont été longtemps occultés, devient suspect. Tout comme il était considéré comme "suspect de pro-fascisme" ceux qui n'étaient pas communistes au temps de la Guerre froide. Aujourd'hui, la Croatie se démocratise, la Bosnie écarte les vieux nationalistes. Mais la question de l'islamisme demeure. Faudra t'il, après le 11 septembre, attaquer les intégristes islamiques en les taxant de fascistes ? Encore et toujours des amalgames…
Tout ennemi de l'URSS était autrefois fasciste, tout ennemi de l'Occident, et surtout des Etats-Unis, est aujourd'hui fasciste. La réflexion devient impossible. Celle qui aurait permis de relever les caractéristiques fascistes des régimes croates, bosniaques et yougoslaves n'a pu être faite. Le temps est aux slogans, aux anathèmes, aux autodafés. Ceux qui cherchent à préserver les spécificités de la catégorie de "fascisme" afin de donner sens à l'antifascisme sont critiqués. C'est l'effet CNN. Dès que la contestation survient, la propagande occidentale se met à la qualifier de fasciste. Un historien français bien connu n'a t'il pas condamner les anti-mondialistes comme fasciste dans les pages d'un grand quotidien national ?
Les enjeux d'une définition :
Aujourd'hui, les talibans sont fascistes, demain, les anti-mondialistes seront fascistes. Au mépris de toute analyse historique sérieuse sur la nature et les origines de cette idéologie. Plus besoin d'être antisémite, racialiste, il suffit de s'attaquer au nouvel ordre mondial néo-libéral. Voici la nouvelle définition du fascisme : tout ce qui n'est pas pro-américain. Voici la nouvelle définition de l'antifascisme : combattre tout ce qui n'est pas pro-américain. L'anti-totalitarisme a connu ce sort, et nous ne parlons même pas des équivoques du qualificatif de terroristes employés systématiquement à des fins de propagande.
On retrouve un problème bien connu : le fasciste, c'est l'autre. Le totalitaire, c'est l'autre. Le terroriste, c'est l'autre. Et l'autre, c'est celui qui conteste, qui dérange, qui n'a pas la même culture, les mêmes idées, qui n'est pas nourri à l'idéologie occidentale du progrès et du monde libre. Voilà une pure opération idéologique et ethnocentriste. Et toute cette propagande ne sert pas les droits de l'homme. Elle n'est qu'illusion. Elle n'a d'autres fins que de masquer la mondialisation néo-libérale.
Faut-il rejeter alors fascisme et antifascisme comme des notions discréditées par l'histoire et les idéologies ? Nous ne le pensons pas. Au contraire, notre Comité cherche d'abord à éviter cela, à sauver l'antifascisme des faux antifascistes. Pourquoi ? Parce que la propagande qui instrumentalise cette cause cautionne parfois des régimes qui, utiles à ses objectifs, sont pourtant très proches du fascisme. Et aussi parce qu'à rejeter l'antifascisme, on rejetterait l'action quotidienne de militants sincères qui luttent depuis des années contre la résurgence du national-populisme et ses courants fascistes.
Les enjeux d'une définition non-idéologique du fascisme sont donc nombreux : d'abord, en conservant en tête les spécificités historiques du fascisme, son racialisme, son antisémitisme, sa démagogie hypocrite, ses liens avec les grands entrepreneurs capitalistes, on évite de trahir ceux qui sont morts autrefois d'avoir combattu le fascisme ou d'avoir simplement été désigné par lui comme des sous-hommes. Conserver la spécificité historique du fascisme dans nos définitions, c'est faire acte de mémoire et de respect.
Cela nous permet aussi de nous armer contre la propagande idéologique, d'où qu'elle vienne. A ce titre, les appels médiatiques à l'antifascisme doivent être systématiquement questionnés, mis en doute. Surtout s'ils viennent d'intellectuels qui ont soutenu des régimes troubles par le passé, comme la Bosnie. L'objectif ici est de repérer les fascistes occultés à des fins de propagande, de repérer les fascistes réels dans les amalgames médiatiques, afin que soit préservé le sens d'un combat toujours d'actualité.